Masiphumelele, des photos dans un township d’Afrique du Sud
Photographies dans un township, non pas à Soweto ou khayelitsha mais à Masiphumelele, près du Cap, en Afrique du Sud.
Une nouvelle série réalisée dans le bidonville de Masiphumelele, entre Fish Hoek (avec ses vielles anglaises) et Kommetjie (et son super spot de surf).
Du temps de mon enfance dans le pays (1979-1985) le township était connu à l’époque sous le nom de SITE 5. Il était très peu développé et régulièrement rasé pour déplacer les personnes vers Khayelitsha à 30 km de là. Je me réfère aux informations glanées sur place, car je n’ai aucun souvenir de cet endroit. Par la suite ses habitants rebaptisent le bidonville
« Masiphumelele » dont la traduction du Xhosa pourrait être « nous réussirons ».
Les réminiscences de mon enfance concernant les bidonvilles du Cap se limitent à ceux situés le long de la route nationale qui relie le centre-ville à l’aéroport international, je pouvais les voir à travers le vitre de la Mazda 323 familiale. Aujourd’hui je peux placer et nommer ces lieux, mais à l’époque, au-delà de la route c’était une terre inconnue pour la grande majorité des blancs.
S’y arrêter, c’est mourir pouvais-je entendre. (C’était l’époque où le gouvernement devait sentir que leur idéal de pays blanc partait en quenouille, ils ont voulu resserrer la laisse* créant ainsi de vifs troubles).
Puisqu’il est dans la nature de l’homme de remplir les cartes restées vierges, que ces cartes soient réelles ou mentales, j’ai séjourné une semaine dans un township. Langa, Gugulethu, Nyanga, Khayelitsha, où aller ? Au grès de mes recherches, j’ai découvert le township de Masiphumelele beaucoup plus petit que ceux précédemment cités. (25 à 30.000 habitants contre 2.000.000 …). Choisir petit c’était éviter la dilution dans le gigantisme, c’était me permettre de cerner les lieux plus facilement, rapidement et gagner en efficacité.
Depuis la France, jai cherché des contacts locaux et la bonne solution a été de s’appuyer sur le réseau associatif local (c’est un milieu que je connais bien). Mon premier contact fut une première fondation américaine qui m’a déconseillé de venir baguenauder (danger, crimes, etc.) et finalement c’est via l’association Hokisa que j’ai trouvé à la fois mon fixer et mon hébergement.
Je suis arrivé à Masiphumelele après mon tour dans le Northern Cape et ma visite à Orania, peu de temps après les problèmes de xénophobie, avec, il est vrai une petite inquiétude. M’étant perdu dans le bidonville j’ai demandé mon chemin au véhicule de police qui patrouillait dans le secteur. Ses premières paroles furent aussi de me déconseiller de venir… Puis j’ai trouvé la maison de Zukie, qui devait m’héberger, et là en un instant, j’ai su que ça irait, que l’idée de travailler dans ce bidonville était une bonne idée. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi, mais mes inquiétudes ont disparu.
Zukie tient le seul B&B du bidonville, elle se bat avec son marie Rodney (prof à l’école locale) pour faire tomber les barrières entres les communautés de cet endroit de la péninsule. Ils m’ont accueillis chaleureusement, m’ont éclairé sur l’histoire et la récente actualité de Masip (c’est le diminutif trendy du township ;)).
Zukie et Rodney sont très actifs dans le bidonville et ont permis de limiter les dégâts des manifestations xénophobes.
Malgré tout, les Somaliens et les Congolais ont été déplacés.
Les Somaliens, qui tiennent les commerces (un peu concurrencé par les Chinois qui arrivent, il y avait une boutique chinoise dans le bidonville), sont rapidement revenus s’installer, ils furent bien aidés par les propriétaires des magasins qui ne percevaient plus le loyer de leurs boutiques.
Lors de ma venue fin juillet les Congolais étaient dans un camp de réfugiés situé au sud de Kommetjie sur le terrain de camping de Slangkop, gardé par des agents de sécurité, Congolais… venant de Muizenberg… vivant eux aussi dans un endroit gardé.
Je me suis rendu dans ce camp de Slankop, les réfugiés étaient très heureux de pouvoir témoigner de la situation actuelle, de leur histoire et de leur vie dans le pays, en français, c’était poignant et je n’ai pas eu le coeur à faire des photos.
J’ai donc travaillé à Masip durant une semaine, poignante, en compagnie de Chris (son véritable nom m’étant imprononçable il a choisi ce pseudo). J’ai parcouru quasiment toutes les ruelles, du coin de « squatters » qui vivent sous 4 m2 de tôle ondulée, aux coins plus développés avec des maisons en dur. Masip est un township très majoritairement noir (pas métisses, là aussi les communautés se mélangent difficilement) avec une population Xhosa originaire de l’Eastern Cape (sous l’Apartheid, les populations indigènes étaient quasi systématiquement déracinées de force). Chris a été d’une grande aide en jouant le rôle d’interprète et de facilitateur de rencontres. J’ai réalisé quelques enregistrements audio, mais j’ai eu du mal à jongler avec les deux médias, j’ai donc laissé ça de côté assez rapidement.
Certaines photos de cette série témoignent aussi de l’incendie qui a ravagé 1/3 du bidonville une semaine avant ma venue.
Si vous prévoyez un voyage en Afrique du Sud, c’est vraiment une expérience à vivre, probablement la plus mémorable de mon séjour !!!
* J’emploi cette expression volontairement, car paraît-il c’est la raison pour laquelle Nelson Mandela ne porte plus de cravate aujourd’hui, une manière de montrer qu’il s’est libéré de cette laisse blanche qui a tenté de le soumettre.
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